TROIS TERROIRS

POUR UN GRAND VIN

 

Quel est le secret d'un terroir pour faire un grand vin ? , En été, il faut que la vigne soit rationnée en eau et que ce rationnement soit lent et progressif sinon les baies se gorgent et les arômes se diluent ", rappelle Jean-Pierre Argillier, responsable de la filière viticole à la Chambre d'agriculture de l'Hérault. En Languedoc-Roussillon, les sols font le plein d'eau en automne et en hiver. Au printemps, la terre se réchauffe ; l'eau, circulant librement, permet à la vigne de produire en abondance feuilles et grappes (protéosynthèse), En période sèche estivale, où la région peut connaître jusqu'à 120 jours sans pluie, l'eau disparaît de la partie haute du sol. Brutalement, la vigne s'arrête de pousser, les baies commencent à virer, les grains verts deviennent bleus ou rouges. C'est là qu'intervient la qualité du sol. L'équilibre est subtil, Il faut qu'il soit suffisamment poreux et aéré pour ne pas retenir l'eau qui relancerait la pousse végétative et le grossissement des baies. Des racines profondes peuvent alors puiser l'eau accumulée dans les nappes phréatiques. Selon les études de Jean-Pierre Arganier, trois types de terroirs répondent à ces critères dans le Languedoc.

L'enracinement idéal

Jusqu'à 50 à 60 cm de profondeur, on trouve l'étage nutritionnel. La vigne développe un enracinement horizontal pour capter l'eau de ruissellement et les éléments nutritionnels de la terre. Entre 50 cm et 2 m de profondeur, les racines deviennent verticales. Elles s'amincissent en fins chevelues qui s'insinuent dans les fentes de clivage des argiles. Au-delà, un troisième niveau racinaire peut se développer.

Des racines parviennent à descendre jusqu'aux remontées capillaires des nappes phréatiques et permettent le ravitaillement en eau de la plante en période très sèche.

Sols de graves

Ce sont des terrasses alluviales constituées de graviers et de galets originaires du début du quaternaire. Les cailloux ont protégé le sol de l'érosion alentour, si bien que ces terrasses forment aujourd'hui des arêtes de 15 à 60 mètres de haut. Le sol est composé à 70 % de cailloux avec de l'argile rouge et du sable, les galets clairs réfléchissant la lumière du soleil vers les grappes. Une réverbération très bénéfique pour l'élaboration aromatique du fruit. Ce type de terrain autorise des enracinements très profonds avec un étage de chevelu, vers 1,60 m jusqu'à 2,50 m, qui survit en cas de sécheresse pendant 80 jours. Au-delà, des racines-relais plongent vers les remontées capillaires des nappes phréatiques. Sur ces terroirs, la palette aromatique est épicée avec des odeurs de laurier, de cades, de boules de genièvre écrasées, qui ressortent bien sur des assemblages de grenache, de syrah et de mourvèdre.

Sols schisteux

Ce sont des sols acides que l'on trouve surtout dans les paysages montagneux des régions de Lauret, Cabrières, Faugères et du Caroux. Ils sont constitués de sédiments argileux déposés il y a 300 millions d'années au fond des océans, puis comprimés, métamorphisés. Dam ces terrains pauvres, avec 70% de cailloux, le système racinaire est très variable en fonction de l'inclinaison des couches géologiques. Si le schiste est fissuré verticalement, il autorise des enracinements profonds. Sur ces terrains, les grappes sont menues, aérées, d'une grande qualité lorsqu'elles sont bien travaillées. Les parfums sont nettement plus puissants, parfois moins subtils que sur les graves, avec des arômes de garrigue, de résine de pin et de ciste. C'est sur ces coteaux que la syrah trouve ses meilleures expressions aromatiques.

 

 

Sols calcaires

Parmi les plus prometteurs, on trouve ceux des contreforts du Larzac. Là, les cultivateurs ont aménagé des terrasses de pierres qui, pour les plus anciennes, ont 1 000 ans. Ces terrasses ont retenu des éclats calcaires anguleux issus de la gélifraction. Ces matériaux ne sont pas comprimés, si bien que le sol est poreux, le rationnement en eau remarquable et les enracinements très profonds. Du point de vue climatique, ces terroirs sont intéressants, avec des températures fraîches et des expositions plein sud. Ils permettent de planter des cépages précoces, incultivables dans le reste du département où il fait trop chaud. Ici, la maturation du raisin est lente, les nuits fraîches permettant une remise en pression des tissus, qui rend la photosynthèse très active le matin. Sur ces terroirs se développent les arômes les plus fins avec des odeurs florales.